
KERANGUYADER
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Joseph KERRENGUYADER était un pur breton, né dans une famille où la seule langue usitée était le breton, c’est à l’école qu’on obligera ses enfants à apprendre le Français. Pas de télévision à l’époque dans les chaumières bretonnes, c’est la tradition orale qui était reine. Certainement doué pour son élocution en breton, c’est plus difficilement qu’il s’exprimait en français. C’est sans doute pourquoi, il était connu et réputé pour être un conteur du terroir.
Il participe le 24 septembre 1966 à une émission télévisée, ORTF à l’époque, d’André VOISIN « Les Conteurs : Au Cœur de l’Argoat ». Quelques minutes lui sont accordées pour raconter une histoire comme il aimait les raconter. L’histoire que Joseph nous raconte est en lien direct avec le paragraphe ci-dessus. N’ayant pas eu la chance de connaître Joseph, j’ai été surpris, en visionnant la cassette vidéo, de découvrir un homme qui ressemblait physiquement à mon beau-père Pierre et d’entendre Armand, le frère de Pierre. Pierre et Armand étant tous deux les fils de Joseph.
LEs Conteurs bretons

J’ai essayé de transcrire au plus près de l’expression orale de Joseph :
On parlait pas le français en mon temps quand j’étais jeune, pas du tout même. Quand on est allé au régiment, là on commençait à connaître le français un peu, pas beaucoup encore. Quand j’étais jeune un peu, j’ai trouvé trois garçons chez moi qui disaient que : « ah, nous sommes paysans et puis on connaît pas un mot de français ». L’autre disait « tiens si vous venez tous les trois faire un tour pour apprendre français ». « Je veux bien », disaient tous les trois, y sont d’accord pour aller apprendre français tous les trois. Alors les voilà partis en route. Y font peut-être 5 ou 600 mètres, ils arrivent une ferme, ils voient là, la femme qui venait de traire ses vaches et puis l’homme y disait « alors c’est fini ? Oui », voilà un mot de pris, Oui attention faut pas le perdre, non non non, je pars avec çà : Oui, Oui Oui. Les voilà repartis encore, après 500 mètres après ils arrivent sur le bord de la route. Ils voient le forgeron là qu’était en train de mettre des cercles sur les roues. Les roues, dans le temps, y fallait beaucoup de monde pour faire çà. Alors ils étaient juste, on mettait le fer était rouge. Ils mettaient le fer là. Attention qu’il dit « frappez tous les trois ensembles », « frappez tous les trois ensembles », « frappez tous les trois ensembles », tu te rappelleras ce mot là dis, oui, oui, oui. Deux mots de pris « Oui », « frappez tous les trois ensembles ». Un peu plus loin, y avait juste un marchand de bœuf qu’était juste à dire allez « 500 Francs ». Tiens voilà « 500 Francs », tu te rappelleras, oui, oui, oui. Voilà trois mots, on a chacun son mot. Un peu plus loin, ils arrivent, ils trouvent un cadavre sur la route, un accident de bicyclette, quelque chose, tombé, il était mort. Ils restent tous les trois autour de lui, le pauvre malheureux qu’est mort ! que voulez-vous, il est mort. Mais juste les gendarmes arrivent pour faire l’enquête. Ils arrivent et puis ils demandent « c’est vous qu’avez tué ? », le premier dit « Oui ». Il a dit oui, bon disent les gendarmes. « Comment avez-vous fait pour le tuer ? », « Frappez tous les trois ensembles ». « Ah bon, bon, bon, avait-il de l’argent sur lui ? » « 500 Francs ». Ah l’enquête a pas été longue, allez tous les trois en voiture et en prison. Là, après trois mots de français, ils ont été mis en prison. Fallait mieux rester à la maison et pas apprendre français !
Émission réalisée par André VOISIN, avec la collaboration des conteurs Louis ROPARS, Mr et Mme LAVENANT, Yann MOULIN, Alain LE MEUR, Yves PICHON, Joseph KERRENGUYADER, Joseph LE CARRE et la participation de Bernard de PARADES.
A travers une histoire drôle au premier abord, on découvre au second degré toute l’importance de ce que ces gens ont voulu nous transmettre. Apprendre le français, c’était bien là le message de Joseph : le déclin de la culture bretonne, la disparition progressive de sa langue maternelle et surtout l’imposition, par l’état souverain, du français à l’école.
